Cette semaine tout le monde me dit : "Seb, tu en fais trop, calme toi. Tu sembles fatigué etc etc ... ". chacun connait la ritournelle habituelle du conjoint, des amis , de la famille. Et pourtant 2 paires de running usées en 12 mois cela démontre en effet quelques kms sous les pieds et sur le bitume .
Mais cette course emblématique qu'est le Sedan-Charleville ne peut être ecartée des foulées 2009 : des villes (Sedan, Charleville), nombreux villages (une dizaine de traversés), des champs (avec vaches ou moutons), des ponts, des côtes ...du bonheur varié en résumé.
Je décide donc d'y participer mais à allure détendue et dans un état d'esprit d'amusement total et partagé avec les nombreux spectateurs . Je décide donc envers et contre tous de courir ces 24,3kms en costard-noeud-pap et arme à la main : à la James Bond. Pour les chaussures et la chemise blanche, on comprendra les écarts et le choix pour un bon Nike et une belle paire d'Asics presque neuves (200 bornes). En ventral, j'embarque deux gadgets utiles : gels et boisson energetique. Dans les oreilles, je planifie les ordres du MI6 sur une liste de lecture dédiée de 2h environ.
La nuit précédente, faute de place chez les beaux- parents (et parce que le tiot est content) je dors dans le même lit que mon fils - rappel : 4 ans dans 25 jours ...-. on dors pas beaucoup ... mais on rigole bien. finalement on y arrive
Réveil tranquille vers 9h et petit déjeuner de Spaghetti, fromage et banane(s) à 10h
avant le décollage pour la station de départ des bus à 11h. Je suis complétement zen alors qu'habituellement les trajets à la bourre me stressent quelque peu.
Je chope une des nombreuses navettes qui porte les coureur de Charleville à Sedan. Organisation au top.
Je discute dans le bus avec un V3 qui court cette course pour la 15 fois (environ ; il ne sait même plus) et prépare son 30ème marathon à Florence le mois prochain. Tout petit je me fais. Son lecteur radio ressemble à un walkman des années 80 et sa montre à une Casio. Je ne suis même plus petit. J'essaie de me faire invisible en écoutant ses histoires de 42 bornes à Berlin, La Rochelles et Madrid...
Vestiaire Sedan : (il y a des lits pour ceux qui sont arrivés aux aurores !!! jamais vu cela pour une course de ce type) .
Preparation (creme anti frottement (merci Nok) intégral (ne révez Mesdame il n'y a pas de photo) vu le port du costume oblige), petite collation vers 12h30 et me voila fin prêt pour rejoindre le site de départ sur le grand boulevard de Sedan.
Pas d'échauffement habituel mais juste un petit trot histoire d'éviter l'angoisse monter à cause d'une fine pluie. La pluie sur le costume est mon hantise absolue : cela pese lourd. Heureusement, le crachin perd face à la foi et à mes prières ( je n'y crois pas du tout (désolé Sylvie) mais mon invocation au dieu gilopétré est à priori convaincante).
Je me cale derriere le meneur d'allure 2h que je suivrai de loin histoire d'avoir un objectif un tant (un temps aussi) soit peu sérieux.
Pan. Le coup de pistolet retentit à 14h pétente. Ce n'est pas mon flingue en plastique qui résonne mais au moins lui, il fait rire tous les concurrents.
- "tueur de chrono" . on m'interpelle. je rigole. Non "Bond, my name is Bond". C'est mal barré pour le souffle de rire dés le départ. Surtout que la vitesse moyenne affichée sur le gadget indispensable (Garmin) au 5ième kilo est de 13,5kms.h. Beaucoup trop rapide. le ballon vert du meneur est derrière moi mais difficile d'abandonner mes references de semi. Même en costard.
Comme je suis en forme , je décide de maintenir cette cadence et me plait à taper la main des gamins le long de la route qui se marrent bien aussi lorsque je tire en l'air avec mon pétard.
Petit nota bene sur les spectateurs : pendant l'intégralité des kilometres qui séparent Sedan de Charleville, on courre sans arrêt au milieu d'une nombreuse foule enthousiaste à souhait. Chaque voisin, chaque habitant connait un participant et l'attend pour l'acclamer. Sans parler des gazèles kenyanes , ethiopiennes qui orientalisent le paysage humide Ardennais. La masse des participants (3000 au départ) est à la hauteur des applaudissements et encouragements des locaux. Trés trés sympa. Rien que pour cela , la course vaut d'être courue. Ravitallements complets. Je ne trouve pas de Vodka-Martini au shaker
mais un bon assortiment de boissons sucrées et de pain d'épices à se coller sous les molaires . Ca plastique bien les molaires. Aussi efficace que de l'explosif C4 ...maais cela laisse un bon gout en bouche....les caries et le dentistes seront ravis.
15 bornes. J'ai clairement réduit l'allure (12kms de moyenne) mais le ballon vert est toujours derrière moi. Je sais que dans 2 kilomètre, ma petite famille devrait être sur le bas côté. Papy, Mamy, mes gamins, la grand mère, l'oncle, les voisins .... Je tâche de me mettre en condition souriante même si je commence à trés serieusement subir les fringues portées. j'ai vidé les deux flacons d'Hydrixir et me suit arrété à chaque ravito mais je transpire comme en été sans pouvoir m'asperger de flotte sur la tête ou les jambes...
Et clac, j'arrive au point de rdv : et la grosse reclaque : je ne vois sur le trottoir de droite que ma belle mère qui porte mon deuxième fils. Personne d'autres. Nobody Else.
Clairement dépité je suis. Je les ai loupé. 1h20 au chrono. 15h20. j'avais dit : vers 15h25 vu l'allure estimée.
Bon ben, faudra bien finir. Je cogite un peu trop sans doute car dans la fameuse montée de Charleville, le ballon vert me passe ...je décide de marcher un peu car les premières tensions au mollet arrivent et je hais les crampes. C'est au tour des participants de me pousser. Beaucoup de monde me double en se marrant. Pas de moquerie car les encouragements fleurent bon. Je décide donc de repartir en abandonnant tout espoir de finir sous les 2 heures avec cet accoutrement et surtout en pensant à dimanche prochain au marathon de Dunkerque. Ne pas forcer. Ne pas forcer. Rester maitre de soi. Ecarter la fierté. La force , jeune padawan , modérée doit être.
Finish en 2h05 l'arme et larme à l'oeil. Le speaker félicite James Bond. Cela fait plaisir. Une dame me dépasse furieusement (cf photo) sur les 100 derniers metre. Cela me rappele que c'est une compétition et que certains sont là pour un chrono. Cela me rappele Moi lors d'autres épreuves. Et au final, sur le finish, je me dit que l'important en CAP c'est vraiment de participer avec joie et plaisir.
Epilogue
1 - Changement de tenue dans les vestiaires d'arrivée. Je me fais tailler ... la politesse par une concurrente à l'entrée des douches en lui demandant de patientier car je suis en tenue d'Adam. Elle me dit d'aller voir ailleurs , qu'elle en a vue d'autre ... et que je suis dans l'entrée du vestiaire Dame. Oups. C'est dire que je suis en vrac....
2- A l'arrivée, chez les beaux-parents : mon fils m'attend et me saute dessus :
- "pourquoi tu t'es pas arrêté papa ?"
- ????
- ben oui nous on été en face de mamie
- ????
- sur l'autre trottoir ....
que répondre ? je regardais d'un côté alors qu'ils étaient tous de l'autre....
Morale
Si tu veux vraiment être J. Bond, taches d'ouvrir les yeux et de scruter correctement ton environnement direct. Suffit pas de courir et de regarder à droite. A gauche aussi c'est parfois utile de jeter un oeil...